BIENVENUE SUR MON BLOG

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dimanche 31 janvier 2016

LE MARIN

L’homme était arrivé depuis cinq minutes mais il présentait déjà des signes d’impatience. Il regarda sa montre, alluma une cigarette, et fit glisser ses doigts sur l’écran de son téléphone portable se laissant aller d’un réseau social à l’autre. Aucune information intéressante n’avait été publiée depuis sa précédente connexion quinze minutes auparavant. Il rangea son téléphone et referma son blouson pour se protéger du froid. Celle qu’il attendait était en retard.

Il faisait nuit désormais. Il s’était fait cette remarque comme s’il s’était dit intérieurement : « Tiens, une voiture bleue, ou rouge ». Il n’avait pas fais attention à la tombée de la nuit, cela avait probablement commencé quand il avait senti le froid quelques instants plus tôt et qu’il avait refermé son blouson. La nuit était arrivée, lui semble-t-il, sournoisement, sans prévenir. Bien qu’il fasse nuit tous les soirs et que le jour revienne tous les matins, il semble parfois que l’arrivée de la nuit soit une surprise.

Le froid s’immisçait maintenant et son blouson ne suffisait plus. Il tapait un pied après l’autre sur le sol pour feindre de se réchauffer, comme pour montrer au froid qu’il ne l’impressionnait pas. Il savait que dans les jours prochains il devra affronter la houle et les flots sur un navire, ce froid de ville n’était rien à côté, mais sur un bateau il se sentait plus fort et il n’était pas seul comme à cet instant-ci où il attendait une femme dans une ville du sud à la tombée de la nuit.

Il n’aimait pas cette ville, dont les gens d’ici ont la prétention de croire qu’il y fait toujours beau temps et dont les bulletins de vote sentent la haine et le repli. Il n’aimait pas cette ville d’escale sinistre bordant cette Méditerranée qui ne la méritait pas. Dans l’ouest, s’il pleuvait plus souvent qu’ici, la vie lui paraissait moins morne et les escales moins longues.    

Il vit enfin celle qu’il attendait qui semblait flâner sans se soucier de ce rendez-vous. Elle avait pourtant été heureuse dans ses bras ces jours derniers, comment pouvait-elle être si nonchalante à l’approche d’un rendez-vous auquel elle était déjà en retard ?

Il la vit et repensait à ces instants heureux passés dans cette chambre minuscule, où ils fumaient la même cigarette en bavardant nus après avoir fait l’amour. Il la vit et ne parvint pas à s’imaginer qu’elle avait ronronné des mots d’amour la veille encore et qu’il lui avait fait croire qu’il ne repartirait pas en mer alors qu’il avait déjà signé son nouveau contrat. Il la vit ignorant son existence, peut-être avait-elle oublié leur rendez-vous, que son amour avait été un simulacre, une sorte de mensonge tacite, une tartufferie réciproque, ce qui l’arrangeait presque parce qu’il devait rompre et que c’était pour cette raison qu’il lui avait donné un rendez-vous à l’angle de deux avenues, comme pour symboliser deux routes qui se séparent. Peut-être devrait-il partir, fuir vers son bâtiment sans donner d’explications de toute façon pitoyable. Elle semblait si peu concernée à ce moment précis. Il hésita à quitter les lieux encore une seconde, peut-être deux.

Et il a crié son nom : « Barbara ».


***

Très librement inspiré du grand Maître Jacques. (1907-1977). Poème publié en 1946.

Sans comparaison possible, je n'ai pas cette prétention, j'avais ce poème à l'esprit ce matin, le texte est venu ensuite.

"Le poète s'adresse à une femme inconnue, vue dans la rue et dont il ne connaît que le prénom, Barbara, parce que son amoureux l'avait interpellée devant lui. Le poème est une interrogation sur le sort des individus en temps de guerre, victimes possibles des bombardements.

Il nous fait part de l'attachement qu'avait son auteur pour la ville de Brest ainsi que de sa tristesse à la suite de sa destruction par les bombardements alliès lors de la Seconde Guerre Mondiale" (source : Wikipédia).



mardi 26 janvier 2016

L’EXTRAORDINAIRE VOYAGE DU FAKIR QUI ÉTAIT RESTÉ COINCÉ DANS UNE ARMOIRE IKEA

Avec un titre pareil on peut s’attendre à un concentré de loufoquerie, certes, mais pas uniquement.

S’il y a bien un fakir débarquant à Paris pour acheter une planche à clous chez Ikea escroquant au passage un taxi gitan et tombant amoureux à la cafétéria avant d’être coincé dans une armoire ce qui le conduira à un long périple passant par un naufrage en montgolfière et un séjour dans la Lybie postkhadafiste, il est également question avec sensibilité du triste sort des migrants à Lampeduza et Calais ou des conditions de vies dans les prisons sri-lankaises.

Ainsi, Romain Puèrtolas manie avec le même humour les tribulations d’un fakir et les thèmes dramatiques de nos sociétés modernes.






Editions Le Dilettante

ISBN : 9782842637767

dimanche 24 janvier 2016

UNE PREMIÈRE TRADUCTION !


Pour un auteur, être traduit dans une autre langue est un signe de reconnaissance et c'est avec une émotion non dissimulée que je vous annonce la toute première traduction d'une de mes nouvelles : "L'enfant silencieux", extraite de mon dernier recueil "Les silences assourdissants", paru aux éditions Valrose et reproduit avec leur aimable autorisation selon la formulaire consacrée.

Bien que traduit, cette reconnaissance ne dépasse pas pour autant, à ce jour, les frontières de l'hexagone, puisque cette traduction de Joan-Pèire SPIES est en langue occitane, publié sur le site de l'institut d'estudis occitans 06.


Je remercie Joan-Pèire pour cette amicale diffusion occitane.

vendredi 22 janvier 2016

UNE JOURNÉE PARTICULIÈRE

Quatre-vingts années précisément la séparaient du jour de sa naissance. Pour l’occasion, son frère était arrivé la veille et lui avait proposé de l’inviter à déjeuner au restaurant, elle envisageait ce programme avec plaisir.

La matin de ce jour-là, elle était allée chercher du pain frais pour le petit déjeuner, ainsi qu’elle le faisait chaque fois qu’elle recevait quelqu’un. Elle préparait thé et café lorsqu’elle entendit chanter dans la pièce d’à côté. En y prêtant attention il lui sembla même que plusieurs personnes chantaient.

L’émotion se saisit d’elle lorsque sur le pas de la porte elle vit la quasi-totalité de ses enfants et leurs conjoints ainsi que quelques-uns de ses petits-enfants.

Bouche bée, les mains sur les joues, les jambes tremblantes, elle réalisait la longueur du voyage effectué par certains d’entre eux, les jours de congés sollicités parfois âprement.

En l’embrassant, je sentis ses joues mouillées de larmes de joie.

Nous avions tout prévu plusieurs semaines à l’avance pour cette journée, elle n’avait plus qu’à savourer et se laisser emporter par le plaisir.

De son propre aveu, notre maman aura du mal à trouver le sommeil ce soir-là tant elle était emplie de bonheur comme le serait un enfant à Noël.

l'émotion mère-fille (photo EV)



NB : Les plus cinéphiles de mes lecteurs auront reconnus une référence en forme d’hommage à Ettore Scola dans le titre de ce billet. Loin de moi l’idée d’un quelconque plagiat, cela va de soit.


samedi 16 janvier 2016

Boris Vian - La java des bombes atomiques

Voilà une petite chanson qui m'est venu à l'esprit ce midi à l'heure du déjeuner (à cause de la sauce blanche).


dimanche 10 janvier 2016

PROM'CLASSIC 2016

On peut dire, cette année de façon encore plus flagrante que les précédentes, qu’il y a eu un avant et un après.

Avant les vacances de Noël, et après.

Avant, je projetais de courir les dix kilomètres de la Prom’Classic, dont le parcours est un aller-retour sur la Promenade des Anglais à Nice, en 41’40’’. Mon entraînement se faisait sur cette base honorable, un peu plus que mon record de 2013, certes, mais le demi-siècle approchant doucement, j’ai désormais pour objectif de maintenir plutôt que d’améliorer mes performances, surtout sur cette distance (sur marathon, je n’ai pas dit mon dernier mot, qu’on se le dise, rendez-vous à Rome le 10 avril prochain)

Après les vacances, force fût de constater que la diététique –et surtout l’hydratation- de la semaine familiale se faisait lourdement sentir et je révisais mes ambitions à la baisse, 43 minutes semblaient plus raisonnable.

On ne vit qu’une fois, après tout, ce n’est qu’une course de dix bornes, pas l’enjeu de l’année.
C’est donc l’esprit léger que je prenais le départ pour ma neuvième participation à cette compétition avec trente-sept autres acolytes de Courir à Peillon, précisément les trois quarts des adhérents d’un club où les entraîneurs se préoccupaient plus de la forme de la joyeuse troupe que la leur.

Malgré les dix mille coureurs inscrits annoncés (8 767 classés), un record, le départ par vague fluidifiait la course.

Je pars dans le sas des « 40 à 45 minutes », sur le rythme régulier de 4’15’’ par kilomètre, Je vois Fabrice et Joseph partir sur une base plus élevée, visant quarante minutes, ils sont dans leur allure. Je rejoins Aurélie gérant sa course sur les pas paternels. Un petit mot d’encouragement où un geste est lâché à chaque fois, furtivement, avant de continuer nos courses.

Sous le soleil méridional de janvier, ma stratégie d’un départ prudent s’avère efficace, je passe la mi-course en 21’21’’ et termine en 42’26’’.

En observant mes statistiques de Prom’Classic -le comptable que je suis ne dormirais donc jamais ?-, je constate qu’il y a en fait deux types de Prom’Classic, celles des années pairs après avoir passé les fêtes en Bretagne du Sud et celles des années impairs où j’ai réalisé mes trois meilleures chronos !

Mais on ne vit qu’une fois et ce n’est qu’une course de dix bornes, pas l’enjeu de l’année.


Quant aux trente-sept autres larrons, les résultats sont globalement satisfaisants, il y a certes les déceptions symboliques de ceux qui ont raté leur objectif pour une poignée de secondes, les aléas de fins d’années, les malades, les un peu blessés, ceux aussi pour qui les entraîneurs vont se remettre en question pour améliorer le programme, mais surtout une multitude de sourires et d’accolades de joie qui nous font du bien, des records battus, des objectifs atteints, du plaisir.

Sébastien et Julien à l'échauffement (Photo Franck P.)

samedi 9 janvier 2016

Je t'attendais (René-Guy Cadou)

    Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
    Dans les années de sécheresse quand le blé
    Ne monte pas plus haut qu'une oreille dans l'herbe
    Qui écoute apeurée la grande voix du temps

    Je t'attendais et tous les quais toutes les routes
    Ont retenti du pas brûlant qui s'en allait
    Vers toi que je portais déjà sur mes épaules
    Comme une douce pluie qui ne sèche jamais

    Tu ne remuais encore que par quelques paupières
    Quelques pattes d'oiseaux dans les vitres gelées
    Je ne voyais en toi que cette solitude
    Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou

    Et pourtant c'était toi dans le clair de ma vie
    Ce grand tapage matinal qui m'éveillait
    Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays
    Ces astres ces millions d'astres qui se levaient

    Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres
    Pétillaient dans le soir ainsi qu'un vin nouveau
    Quand les portes s'ouvraient sur des villes légères
    Où nous allions tous deux enlacés par les rues

    Tu venais de si loin derrière ton visage
    Que je ne savais plus à chaque battement
    Si mon cœur durerait jusqu'au temps de toi-même
    Où tu serais en moi plus forte que mon sang.


Rene-Guy CADOU,(1920-1951)
Hélène ou le règne végétal (Editions Seghers)






samedi 2 janvier 2016

LA VIE IDÉALE, Charles CROS

Après "Hexagone" de Renaud, je vous propose un poème plus positif sur la vie en ce début d'année.


Une salle avec du feu, des bougies,
Des soupers toujours servis, des guitares,
Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares,
Où l'on causerait pourtant sans orgies

Au printemps lilas, roses et muguets,
En été jasmins, œillets et tilleuls
Rempliraient la nuit du grand parc où, seuls
Parfois, les rêveurs fuiraient les bruits gais

Les hommes seraient tous de bonne race,
Dompteurs familiers des Muses hautaines,
Et les femmes, sans cancans et sans haines,
Illumineraient les soirs de leur grâce.

Et l'on songerait, parmi ces parfums
De bras, d'éventails, de fleurs, de peignoirs,
De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs,
Aux pays lointains, aux siècles défunts.

la vie idéale (1873) - Charles CROS (1842-1888)